Antichambre

[…]

Elle avait vu mon teint jaune :
un ictère… problème de foi, de bile…
faire des analyses, hospitaliser… une journée,
disait-elle.

Je me suis dit :
je ne veux plus,
je ne veux plus !
C’est trop…

Ce n’est pas à l’hôpital de décider de mon sort,
de ma vie, de mon destin.
De ma fin de vie.
De la repousser, la repousser le plus loin possible.
Pourquoi ?

Non.
Je ne veux pas qu’on me sauve.
Non…

Le Christ aussi croyait bien faire. Il a réussi quoi ?
Personne ne peut sauver personne.
Ou si rarement,
et ça tient du miracle.

Il n’y aura pas de miracle.
Je continuerai à me traîner,
me traîner encore plus…
Ne même plus me traîner.

Qu’est-ce qu’ils espèrent ?
Me sauver la mise ?
Quelle mise ?
Le tiercé perdant ? C’est tous les jours.
Sans jamais décrocher le jackpot, car il n’y a pas de jackpot.
Il n’y a pas de jackpot !

J’ai dit : Non.

Elle est partie.
Depuis le temps, elle disait que je suis têtue.
On a le droit d’être têtue !

C’est une vertu dans ce monde
qui ne cesse de décider pour nous.
De prendre les mauvaises décisions.

N’ai-je pas le droit de décider moi-même ?
Il y a la bonne issue et le bon moment.
L’hôpital ne sait pas quand c’est le bon moment.
Ce n’est jamais le bon moment.
Alors que chacun sait quand arrive le bon moment.

Le bon moment… c’est maintenant !
Maintenant !

Je digère mal
depuis des semaines.
La mécanique est grippée.
Plus grand-chose ne passe.
Des nausées.
Cette fatigue.
J’ai mal.
Un peu…
Mal.

Le téléphone…
Il est là.
Au bout du bras.
Ce serait facile.
Décrocher.
Chiffrer le 15.
1
5
Rien qu’à ma voix, ils comprendraient,
pas besoin d’expliquer grand-chose.
Le numéro s’affiche,
ils me trouveraient très vite…

Il ne s’affichera pas.

Non.
Je ne décrocherai pas.

Ce serait une nouvelle marche à descendre.
Je préfère rater la marche.
Tomber.

Tomber. Finir.

Je sais que c’est le moment.

[…]


#envie d’en parler, d’écrire…