Fight Club

de David Fincher (États-Unis, 1999)

Éloge de la radicalité

Dans un avion, Jack un jeune yuppie désabusé (Edward Norton) rencontre Tyler Durden (Brad Pitt) un marginal au discours iconoclaste qui l’entraîne dans un underground à la limite de la légalité : squat et Fight club – limite secte – où l’on se défonce joyeusement (et littéralement) la gueule. Une manière de prendre ses distances avec la société de consommation…

Cette revendication, les piques bien senties qu’elle suscite, comme l’apologie de cette existence ostensiblement marginale a rendu ce film culte.

Cependant les activités de ce microcosme ressemblent furieusement à une préparation paramilitaire. Et effectivement des actions punitives se mettent peu à peu en place. L’évolution du club s’inscrit parfaitement dans le schéma traditionnel des prémisses d’un ordre totalitaire : des groupuscules extrémistes qui persécutent certaines fractions de la population avec le consentement des autres (les SA dans l’Allemagne hitlérienne, le KKK) ou sans (attentats suicides). En outre, Jack se rend peu à peu compte que sa rencontre inopinée du début a été soigneusement préparée par un repérage et une surveillance digne des services secrets les plus pervers (comparable au recrutement ciblé de la SS ou, à plus grande échelle, des gardes rouges, voire celui de la CIA dans les universités américaines). Le film s’achève par le « grand soir » qui vise à « libérer » définitivement la population de la soumission à la consommation capitaliste. Bref comme les nazis avec l’incendie du Reichstag, comme Al-Qaïda avec le 11 septembre (deux ans après la sortie du film) : détruire les symboles de l’ancien monde pour mettre en place un nouveau, le leur (ou tenter de le faire).

Cette fascination (des personnages comme du spectateur empathique) pour la violence s’explique par le fait qu’elle impose de dépasser ses limites (l’anoblissant du coup) et surtout qu’elle semble offrir une solution radicale, quelquefois irrévocable avec la mort (de soi ou de « l’ennemi »). Fascination pour une prise de risque dont le caractère définitif tranche avec le flou de la société consumériste où le changement est le moteur indispensable (mode…) et la règle imposée par le jeu de la concurrence.

Les auteurs tentent d’atténuer cet étiquetage fascisant en mettant en œuvre des expéditions un peu potaches, mais malgré tout plutôt sinistres, puis, ultime pirouette, en exhibant la thèse du double assaisonnée de psychanalyse de pacotille (mais fort habile catharsis au demeurant).

Bref un film plutôt nauséeux qui, par-delà quelques habiles ficelles l’ayant élevé au rang de film culte, est d’une grande complaisance envers les logiques totalitaires.
Mais ce qui mérite d’être salué, c’est la prouesse hollywoodienne d’élever au statut de brûlot insurrectionnel un film aux relents fascisants.

PS : curieuse naïveté du réalisateur qui s’étonne (The Guardian 21/10/2023, en anglais) que Fight Club soit devenu une référence dans certaines mouvances d’extrême droite…

©détail de l’affiche (source Allociné)


#envie d’en parler, d’écrire…