parfum d’ailleurs

Conques en Rouergue (l’abbatiale Sainte-Foy et son tympan, 2015)
sables d’Oman (dans le désert du Wahibah, 2015)
Égypte (échos d’octobre 2006)

Conques en Rouergue

Une demi-douzaine de tourelles, un modeste château, des maisons médiévales dressés autour de l’abbatiale dont les contreforts scandent la verticalité. Et les martinets qui tournent et trissent, lui donnent des airs de citadelle affrontant les éléments. Cette mise en scène suscitée par un site escarpé imprime un élan gothique au geste roman de Sainte-Foy.

L’intérieur est épuré, sérieux. Quelques statues, une tête de temps à autre, des chapiteaux historiés quand même et les volumes qui apportent un peu de complexité surtout au chevet.
Les vitraux de Soulages complètent cette austérité quasi cistercienne et préservent la pureté de la lumière. De l’extérieur, ces baies affleurent sur la pierre blonde comme des plaques de givre.

Du médiéval, demeure la proximité avec le tympan et son humour grinçant offre un joyeux contraste malgré la parousie qu’il illustre.
Le Christ cérémonial dans sa mandorle glisse vers l’enfer, mais les archanges veillent sur le Sauveur et lui épargnent la proximité des démons.
Aux registres inférieurs, les diablotins trichent, convoitent, lorgnent vers les élus. Le plus allumé alimente la bouche d’enfer au propre et au figuré.
Côté bienheureux, si un ordonnancement d’arcades évoque l’église matérielle comme immatérielle, des lampes à huiles y ramènent la familiarité du foyer. Le paradis n’est pas si loin du chez soi…

sables d’Oman

Du Jebel ach-Chams à la mer d’Oman, du rouille mordoré au blanc éblouissant, le désert du Wahibah glisse vers l’océan Indien pour des noces indifférentes.
En apparence.
Le matin, sable et toiles sont bien mouillés : la masse océanique est perceptible même à l’intérieur des terres.

Une journée de quatre-quatre suffit pour la traversée. Les pneus laisseront leurs empreintes parmi les interminables parallèles tirées entre deux théories de dunes. Ces stigmates de modernité mangés par l’horizon renforcent le sentiment d’immensité de cet espace éternellement provisoire.

Le marcheur y laisse aussi ses pas. Fugitivement. Dans un imperceptible poudroiement, le désert les recouvre délicatement. Comme un raz de marée immobile. Quelquefois il les préserve pendant des jours, des semaines peut-être, puis, dans une foucade, il rabotera tout sur son passage.

Le vent abrase, ravine. Le gel délite, crevasse. L’insaisissable et l’immatériel sont à l’œuvre.
Le désert – on devrait dire les déserts – est une meule gigantesque capable de broyer une montagne. C’est la mort au travail, la mort qui avance en majesté.
C’est aussi une expérience du temps, essentielle.
La mort ne met-elle pas un terme à notre temps ?

Merci à Sophie, notre guide française si attentionnée, Hussain, pilote virtuose, et Hahmoud de Couleurs d’Oman.

Égypte

Octobre 2006…
Le premier accroc au clinquant pharaonique cultivé par la communication officielle à destination des béotiens est l’omniprésence de la police touristique : à l’entrée des bateaux, des hôtels, des sites. Les fameux convois – souvent au petit matin – pour accéder aux monuments les plus éloignés les familiariseront aussi avec les nombreux check points.

ciel d’Assouan
matinée récréative au Fayoum
sel dans l’oasis de Siwa

Un peu partout, sous les proliférant panneaux publicitaires vantant presque exclusivement Coca ou Pepsi, vaquent des femmes gantées et couvertes du niqab noir (équivalent arabe de la burqa), comme si ces deux entités, le marché et l’islam, se partageaient le pays. De fait, ils tissent une alliance objective où le premier s’arroge le matériel en débusquant les rares espèces sonnantes et trébuchantes dans les poches des Égyptiens et l’autre l’idéologique en veillant au strict respect des pratiques rituelles dont le port du voile est le plus visible. Le peuple cumule les inconvénients des deux : pollution et archaïsme. En sillonnant cette Égypte essentiellement rurale, le voyageur ne mesure pas la différence entre la richesse et la pauvreté, mais celle entre la pauvreté et la misère.
Presque quinze années et un printemps arabe sont passés depuis…


#envie d’en parler, d’écrire…