un regard et des choix – forcément subjectifs – sur l’offre culturelle 2025…
#LIVRES : La mémoire des murs (F. Saur/L. Maechel), Robert Cahen De la trame au drame
(J.-P. Fargier), La société de l’expérience. Le consumérisme réinventé (S. Miles)
#CINÉMA : @Festival du film de Colmar, Goliath, Germaine et moi (G. Morinière)
#EXPOSITIONS : @art karlsruhe 2025 (Messe Karlsruhe), Enfantillages chapitre 2 (Musée Tomi Ungerer, Strasbourg), Ressources humaines (Galerie Radial, Strasbourg), Kunstzeit (Primeo Energie Kosmos, Münchenstein/Bâle), La bibliothèque fantastique (musée Würth, Erstein), les 400 ans du clavecin Ruckers (Unterlinden, Colmar), Lumières du Nord (Beyeler, Riehen/Bâle), Mode d’emploi (MAMCS, Strasbourg), Verso (Kunstmuseum Basel | Neubau)
#THÉÂTRE & MUSIQUE :
1972 (F. Cacheux, N. Öhlund), Polywere (C. Monin, C. Arthus), @Quinzaine de la danse (territoire mulhousien)
@SAISONS 2024-25 : Opéra national du Rhin • La Filature (Mulhouse) • Comédie de Colmar • Espace 110 (Illzach)
@avant-papier sur présentation de presse et documents remis
Sur la page d’accueil, des informations actualisées sur les évènements encore accessibles.
εphεmεrides 2024 • 2023 • 2022 • 2021 • 2020 • 2019 • 2018 • avant
Qui n’est pas assoiffé d’art est proche de sa dégénérescence.
Egon Schiele
@art karlsruhe 2025
#SALON
22e édition du 20 au 23 février (journée vip le 19 sur invitation)
de 11h à 19h (18h le dimanche)
Messe Karlsruhe, Messeallee 1 / D-76287 Rheinstetten
tarif préférentiel sur Internet à partir de 23 €, tarif normal 27 € (billet journalier)

Le Parc des expositions de Karlsruhe (Messe) accueillera la 22e édition d’art karlsruhe du 20 au 23 février 2025 : 187 galeries de 16 pays proposeront à ceux qui se rêvent en collectionneur un panorama couvrant 120 ans d’art. Telle est l’ambition de la foire avec les grands noms (hall 1), l’après-guerre (hall 2), les tendances actuelles avec un paper:square élargi (hall 3) et l’émergence (hall 4).
Le fondateur Ewald Karl Schrade a passé la main en 2024 à Olga Blaß et Kristian Jarmuschek qui imposent doucement leur patte tout en préservant ce qui fait le succès de l’art fair : « Évolution plutôt que révolution ». Le changement le plus visible en 2025 est l’identité visuelle avec notamment un nouveau logo.
Comme en 2024, un espace plus étendu sera dédié à la sculpture en écho au Loth-Skulpturenpreis doté de 20 000 euros et décerné le vendredi 21.02 (un hommage à Wilhelm Loth (1920-1993) ancien professeur de l’Académie de Karlsruhe).
De même, le dispositif re:discover (permettant de (re)découvrir des artistes injustement négligés par le marché de l’art) est reconduit. Un nouveau concept re:frame le complète : il a l’ambition d’attirer l’attention des professionnels et du marché de l’art sur les fonds d’artistes (legs, etc.).
art karlsruhe revendique aussi un soutien actif à la nouvelle génération avec l’academy:square (hall 3) dédié aux créations de jeunes diplômés issus des trois grandes écoles d’art du Bade-Würtemberg (Beaux-Arts, Arts décoratifs & Design) : la Staatliche Akademie der Bildenden Künste Stuttgart, la Staatliche Kunstakademie Karlsruhe et la Hochschule für Gestaltung Karlsruhe. La sélection a été confiée à la curatrice Elke Buhr, rédactrice en chef du magazine artistique et culturel MONOPOL.
Les habitués retrouveront les traditionnels One-Artist-Show qui permettent à chaque galerie de mettre en avant un ou une de ses artistes et d’être sélectionné pour le Prix art karlsruhe qui sera attribué jeudi 20.02 lors de la remise du prix Hans Platschek d’art et de littérature à l’artiste germano-suisse Ingeborg Lüscher.
Et pour ceux qui pourront prendre le temps, le Forum Karlsruhe dans le hall 4 sera une vitrine des nombreuses institutions culturelles de la ville épaulé par les programmes after art & art EVENTS.
Sur les six galeries françaises présentes, deux sont alsaciennes : justBEE (Domaine de l’Abbaye à Masevaux) et Radial Art Contemporain (quai Turckheim à Strasbourg).
justBEE sera présente dans le hall 4 (P20), mais également dans le paper:square du hall 3 avec l’artiste strasbourgeois Didier Guth qui exposera ses monotypes. Sur son site, une vidéo le montre en plein travail.
La sculptrice Wiebke Bader (Aalen/D) & le sculpteur Winfried Becker (Kempten/D) exposeront également dans les sculpture:spots longeant l’atrium : près de l’entrée du hall 3 et du hall 2 & 4 pour le second.
Les peintures d’Andreas Durrer (Bâle) seront mises en avant dans un One-Artist-Show sur le stand où les gumprints de Petr Beránek (Bâle, Masevaux & Berne) ainsi que ses peintures voisineront avec celles de Josef Ebnöther (Altstätten/CH) & Eva Recordon (Stuttgart/D & Correns/F).
Dans le hall 1 (C16), Radial Art Contemporain proposera les gravures et les dessins du colmarien Michel Cornu dans un One-Artist-Show (une 1re pour la galerie) et des œuvres de Robert Schad, sculpteur allemand installé en Franche-Comté : un prolongement de l’exposition Ressources humaines que les deux artistes partagent jusqu’au 22.03 à Strasbourg.
Ses cimaises accueilleront aussi des pièces d’Alain Clément (Nîmes), Frank Fischer (La Haye), Lars Strandh (Oslo) et Javier Lèon Perez (Séville) ainsi que des photographies grand format d’Estelle Lagarde – une première à Karlsruhe – dont l’une issue de sa série « La traversée imprévue » qui l’a révélée au grand public a été sélectionnée pour la section start:block (hall 3, Y15).
@Festival du film de Colmar
#CINÉMA
28e édition du samedi 8 au samedi 15 mars 2025
au cinéma CGR de Colmar, 1 place Scheurer-Kestner
Les séances sont gratuites (billets à retirer à partir du 24.02 au CGR, pas de billetterie en ligne).

Le Festival semble avoir trouvé à la fois son axe, les métiers du cinéma, et son rythme de croisière au cinéma CGR depuis qu’il a glissé, il y a trois ans, de l’automne vers le début du printemps. Toutes les séances sont gratuites : une volonté de la Ville de Colmar.
La manifestation se veut familiale et populaire et développe un volet éducation à l’image notamment à destination des collégiens.
Neuf longs métrages (dont 3 en avant-première) sont programmés et à chaque projection des membres de l’équipe du film ou des invités seront présents pour échanger avec le public. La comédie reste le marqueur privilégié par les programmateurs Emma Schoepfer et Sébastien Eidenschenck.
Avec…
En ouverture le samedi 8, Doux Jésus de Frédéric Quiring en présence de Marylou Berry et du réalisateur (une nonne s’enfuit de son couvent et se frotte à la « vraie » vie), Les musiciens de Grégory Magne le lundi 10 (disharmonie au sein d’un quatuor à cordes devant célébrer les Stradivarius) avec en avant-programme un best off de BO par l’Orchestre symphonique du Conservatoire, comme le film surprise pour la clôture le samedi 15 (non révélé lors de la conférence de presse du 12.02).
Mais aussi la carte blanche donnée à l’association Lézard le jeudi 13 : Ça tourne à Séoul ! de Kim Jee-Woon (un tournage rendu chaotique par la mégalomanie du réalisateur et la présence de la censure).
Ainsi que le documentaire On a volé ma VF du colmarien Lucas Stoll le vendredi 14 interrogeant et mettant des visages sur les voix françaises qui doublent les vedettes américaines.
Ce métier de comédien doubleur est mis en avant cette année, avec le lendemain (samedi à 14h) un atelier ouvert à tous (la proposition se veut ludique !).
Sinon…
Le festival proposera un thriller tamoul Little Jaffna de et avec Lawrence Valin le dimanche 9 (du nom du quartier tamoul à Paris).
Et offrira le mercredi 12 une projection en salle avant diffusion sur petit écran de la fresque historique et engagée de Julie Gayet et Mathieu Busson sur la figure du féminisme Olympe de Gouges : Olympe, une femme dans la révolution. La réalisatrice tient également le rôle-titre et sera présente à Colmar.
Une sélection de cinq courts métrages aquatiques est prévue pour les plus petits samedi 15 (10h) : Au fil de l’eau.
Mardi 12 sera la Journée patrimoine et transmission imaginée par le Département cinéma de la Faculté des arts de l’Unistra avec deux films de l’âge d’or hollywoodien qui interrogent l’Amérique raciste.
The Intruder de Roger Corman (1962, en VOSTFR) à 10h (un étranger charismatique vient enquêter sur la mixité scolaire mise en place tout récemment dans une petite ville du sud profond).
En soirée, le film aux cinq oscars, Dans la chaleur de la nuit de Norman Jewison (1968, en VOSTFR) avec Sidney Poitier, Rod Steiger, Warren Oates.
Les deux films sont construits selon un des schémas classiques du scénario hollywoodien : un étranger arrive dans la ville…
Une masterclass sur les métiers du cinéma se tiendra au PMC à 14h.
Ce dernier accueille l’exposition Leurs décors après eux du décorateur Bastien Simon et le hall du CGR Les vrais/faux du cinéma qui souhaite en démystifier les métiers moins connus (producteur, scénariste…).
Des avant-programmes (10 min) conçus par MIRA seront également projetés.
en l’absence de mention, la séance est à 20h.
=> voir le programme complet en ligne, en pdf
L’entrée est gratuite pour tous les spectateurs : les places sont à retirer directement auprès du cinéma CGR à partir du 24 février 2025 (pas de billetterie en ligne !) dans la limite de 4 places par séance et par personne (plusieurs séances possibles).
réservation de groupe & renseignements complémentaires : festivalfilm@colmar.fr
l’envers du décor
Verso Histoires d’envers
#EXPOSITION
Kunstmuseum Basel | Neubau du 1 février 2025 au 4 janvier 2026,
commissaire : Bodo Brinkmann
du mardi au dimanche de 10h à 18h (20h le mercredi)
entrée libre dans les collections en semaine à partir de 17h et le 1er dimanche du mois (sauf jours fériés)

en retrait à droite l’Ange de l’Annonciation (école Hans Baldung Grien)
La directrice du Kunstmuseum Basel, Elena Filipovic a permis à Bodo Brinkmann, conservateur Maîtres anciens, XVe–XVIIIe siècle, de mener à bien un projet qui lui tenait à cœur depuis longtemps : faire découvrir la face cachée d’œuvres appartenant aux collections du musée. Dans trois salles du Neubau, il a chorégraphié un dispositif permettant d’admirer 36 pièces datées du XIVe au XVIIIe siècle sous toutes les coutures : recto et Verso.
Après cette dernière exposition, il élaborera encore avec Anita Haldemann la nouvelle présentation des collections d’art ancien du Hauptbau où certains agencements réalisés pour Verso pourront trouver leur place.
Un musée décontextualise les pièces qu’il présente et d’autant plus quand elles sont anciennes induisant quelquefois une vue parcellaire. La partie occultée peut cependant avoir un rôle significatif dans l’usage de l’objet, éclairer son histoire ou celle du sujet portraituré…
Dans ce jeu d’avers et de revers, les retables dont les séquences de voilement dévoilement rythmaient le calendrier liturgique sont les plus spectaculaires. Peindre les deux faces des panneaux latéraux était nécessaire pour préserver la qualité de la dévotion et la faire vivre en fonction des circonstances : valoriser des saints particuliers, mettre en scène des sculptures dans un ensemble signifiant et aussi permettre aux donateurs de figurer par leur image dans l’espace sacré.
Quand un panneau est périphérique, la vénération veille à l’anoblir : un fond souvent incarnat avec des initiales (IM pour Iesus Maria, MRA pour Maria) ou un motif imitant la pierre, matériau noble utilisé pour les autels, ou le brocart.
La présence d’armoiries ou d’un monogramme permet d’identifier le propriétaire du tableau ou le sujet du recto dans le cas d’un portrait.
Des appropriations plus tardives s’opèrent aussi. Suite à un changement d’usage, l’autre face est peinte (volets d’un orgue) ou alors quelques décennies plus tard un artiste réutilise comme support une ancienne plaque de cuivre gravée tel Pieter Snyers pour sa délicate Nature morte avec des tiges de primevères et des légumes (1752) : l’ancien verso devient le recto…
Des inscriptions sont quelquefois ajoutées postérieurement, en général pour préserver un historique… ou ce cas interpellant : le revers du portrait en gentilhomme de Johann von Brügge (vers 1544). Trois ans après sa mort en 1556, les autorités bâloises découvrent que sous ce faux nom prospérait David Joris recherché comme hérétique et chef de secte anabaptiste. Condamné à titre posthume comme « archi-hérétique », sa dépouille est exhumée, brûlée avec ses écrits et un placard est apposé au dos de son effigie avec la sentence en latin et en allemand.
Parfois le revers s’efforce d’imposer une image édifiante : une prostituée aguichée par un squelette (une métaphore des maladies vénériennes) traitée presque en miroir au verso de l’effusion érotique de Bethsabée au bain (Niklaus Manuel dit Deutsch, 1517)……
Enfin, de par son statut, l’enseigne est traitée sur les deux faces, mais celle des frères Holbein relève sans doute d’un hommage à leur professeur, Oswald Geisshüsler, dit Myconius, lorsqu’il quitte Bâle en 1516.
Cet accrochage bâlois montre de la très belle peinture et permet de découvrir autrement Baldung Grien, Cranach, Holbein, Snyers, Stimmer, Witz… pour ne citer que les plus connus.
Le dispositif est un doux labyrinthe où le regard croise celui des visages peints et participe à ces échanges d’une toile à l’autre où les personnages observent la scène voisine, où les animaux sont souriants, les tissus voluptueux, les chevelures ciselées de reflets dorés, où les expressions sont chargées d’empathie et portées par cette ineffable chorégraphie des mains vecteurs d’une sérénité qui plonge le visiteur dans une paix presque surnaturelle (Siri Hustvedt).
Et puis ces versos rendent perceptible l’émouvant passage du temps – un sourire surgissant d’un vêtement écaillé, un corps tronqué par une reprise, l’évanescente empreinte d’une scène presque fondue dans le support –, d’autant plus que cette fragilité de la trace est affrontée à l’éclat triomphant du recto avec le bleu, le vermillon des costumes et le rose onctueux des chairs !
rendre dicible
1972
de Fred Cacheux, Nils Öhlund
#THÉÂTRE
représentation du vendredi 31 janvier à l’Espace 110 (Illzach)
en tournée le 27.03.2025 à 20h au Préo Scène à Oberhausbergen (67)

Dans le programme, la présentation de la pièce évoque le rapport Meadows, l’âge des comédiens, les problèmes liés au climat (Un écran soutient les démonstrations…) laissant imaginer une production sérieuse voire aride.
Le spectacle est tout l’inverse (le rapport ne sera évoqué qu’au bout d’une heure) et s’il part dans tous les sens, c’est pour nous interpeller certes, mais aussi rire, rire de nous-mêmes (et plutôt beaucoup) et toujours revenir à Nous, Nous tous acteurs de 1972 et de notre destin commun.
un grand écran vertical à jardin
un compte à rebours
une chaise bistrot déplacée
abandonnée déplacée à nouveau
Francis (tout le monde s’appelle Francis)
Francis monte descend du plateau
remonte rejoint la coulisse
revient dubitatif
du temps de flottement
une mise en place brouillonne
volontairement
la salle reste allumée
dans le silence
hésitations encore
Francis se dédouble
même sweat outremer
même jeans rouille
même moustache
Ils se parlent
en anglais
se négocient la chaise
symbole de notre terre limitée ?
glissent vers le franglais
le chaos linguistique de Babel ?
la langue de bois s’intensifie
avec la bascule vers le français
et puis la conscience
peut-on profiter du fruit de son crime ?
Francis rameute Caïn
et surtout Claudius (Hamlet)
il lance sa tirade du IIe acte (scène 5)
leurs propres souvenirs remontent
et les Francis s’emballent
s’envolent sur l’ivresse des possibles
consuméristes !
Très vite les Francis (Fred Cacheux, Nils Öhlund) impliquent le public, l’embarquent sur le plateau, se jouent des codes de la re/présentation, installent une tension entre la salle vidée et la scène où stabule maintenant le public : ils instaurent un débat mouvant.
Ils l’interpellent depuis la salle
avec d’autres questionnements
aiguisés de quelques sentences
nous ne savons pas maîtriser le présent
nous manque le sens de l’orientation
la croyance passe pour de la connaissance …
Le rapport Meadows s’invite tard.
C’est une douche froide en pleine euphorie consumériste adossée à une frénétique exploitation des ressources.
Les jeunes ingénieurs du MIT ont brassé beaucoup de papier (il n’y avait pas encore d’informatique). Ils étaient prêts à s’engager comme beaucoup de jeunes aujourd’hui.
Mais ailleurs…
chacun veut la plus grosse part du gâteau (ce qu’il en reste) !
D’autres statistiques, d’autres discours le balayent sous le tapis :
le vent des mots, des mots sales le plus souvent
et de modestes sparadraps sur l’hémorragie …
Jusqu’à présent, rien n’indique qu’ils se soient trompés.
Et s’il n’était pas trop tard ?
Les Francis font le rapprochement avec la fresque d’Ambrogio Lorenzetti au Palazzo Pubblico de Sienne : Allégorie et effets du Bon et du Mauvais Gouvernement.
Ils suggèrent l’atavisme du comportement collectivement mortifère (cf. les cinq besoins fondamentaux) …
Les deux Francis nous offrent pendant 90 min, un bouillonnement partagé avec feu et conviction, un pas de deux original qui réussit l’implication du public (si souvent ratée), une stimulante prise en main de l’objet théâtre qu’ils « révolutionnent » (au sens littéral : mettre à l’envers) avec l’envie et l’espoir de pareillement et joyeusement « révolutionner » le système par le bas (du coup le remettre à l’endroit !). Ils expérimentent ce tissage du lien personnel et individuel à l’Autre générant du Nous ensemble sans lequel rien n’est possible.
Et ils le prolongent en dehors de la salle avant, après par des rencontres, des animations…
En 2025, on sait encore plus qu’en 1972…
pourtant plane la résurgence phénoménalement délirante d’un monde où le « tout est monnayable » se réarme en dogme absolu !
Une mise en spectacle médiatique des prolégomènes de l’apocalypse ?
Les deux Francis et Nous, autres Francis, voulons croire que non…
mise en scène & jeu Fred Cacheux, Nils Öhlund
création et régie technique Pierre Mallaisé
production Facteurs Communs
l’art et la matière
Ressources humaines
Michel Cornu & Robert Schad
#EXPOSITION
Strasbourg, Galerie Radial Art Contemporain du 7 février au 22 mars 2025 [fermée pendant art karlruhe]
11b quai de Turckheim du mercredi au samedi 14–18h
+ art karlsruhe du 20 au 23 février 2025 de 10h à 19h, 18h le dimanche 23.02
Avec comme titre un joli pied de nez au langage technocratique, deux artistes dont l’engagement physique pour créer leurs œuvres est impressionnant, partagent une exposition à la Galerie Radial à Strasbourg du 7 février au 22 mars.
Michel Cornu comme Robert Schad ont préparé des pièces expressément pour l’occasion et art karlsruhe qui se tiendra fin février. Le galeriste qui leur a fait confiance, Frédéric Croizer découvrira leurs créations lors de l’accrochage :-)
Le travail de Michel Cornu ressemblera certainement à ce qu’il pratique depuis quelques temps déjà : des abstractions vibrantes, souvent des grands formats, sur papier.
Gravures sur cuivre et sur bois, encres sur papier Japon et grands dessins
travaillés dans la profondeur de la matière
posée imposée déposée surexposée…
comme un sous-bois saisi lors d’une fulgurante éclaircie
où seul un intense travail d’approche permet d’en exprimer le mystère
ou d’accéder à d’astronomiques confins ?
J’avais évoqué son travail lors d’une précédente exposition à la galerie Murmure (automne 2023) et j’ai eu la chance de le filmer en énergie durant l’été 2021 dans son atelier et celui de l’ami taille-doucier Rémy Bucciali.
Robert Schad débite et soude l’acier : des modules industriels standards (tubes et poutrelles de différentes sections).
Il avait exposé son travail dans une dizaine de sites patrimoniaux en Bourgogne, le parcours de sculptures Dix par Dix d’octobre 2021 à septembre 2023 : des envolements dont l’aérienne chorégraphie défie la pesanteur du matériau et fait oublier la lourde logistique industrielle nécessaire à leur fabrication.
D’altières horographies semblant effilées par le souffle du vent
dressant fièrement leur arachnéenne fragilité face aux tourmentes !
Je l’ai filmé fin 2022 lors d’une résidence de gravure chez Rémy Bucciali : un exercice plus léger, fruit également de l’agencement ludique de modules identiques. L’atelier s’est ensuite chargé de préparer, mordre puis imprimer les plaques.
quand le paysage sculpte la peinture
Nordlicher
von Edvard Munch bis Hilma af Klint
#EXPOSITION
Riehen (Bâle), Fondation Beyeler du 26 janvier au 25 mai 2025
commissariat : Ulf Küster, assisté d’Helga Christoffersen
beau catalogue en anglais ou en allemand, 240 p., 62,50 CHF, 58 €
tous les jours de 10h à 18h, jusqu’à 20h le mercredi & 21h le vendredi

« Lumières du Nord » est le 6e opus d’une programmation consacrée au paysage initiée avec Monet en 2002. L’exposition en présente 74 peints au-delà du 60e parallèle nord par treize artistes de 1888 à 1937. Huit Scandinaves, quatre Canadiens et un Russe (le contexte géopolitique actuel justifie en partie ce dernier choix).
L’exposition est coréalisée avec le Buffalo AKG Art Museum (Buffalo, New York) qui l’accueillera du 1er août 2025 au 12 janvier 2026.
Le catalogue inclut un cahier de photos : un réel mythifié par le noir et blanc, émouvant écho aux vues des peintres alternant un fantomatique cérusé et l’exaltation fauviste. Anna Boberg y figure en pied avec son équipement pour peindre sur le motif dans ces conditions polaires !
Regroupée par peintres, la présentation dresse une arche chronologiquement cohérente qui va des Scandinaves avec en point d’orgue le plus connu Edvard Munch [salle 6] pour s’achever par les Canadiens. Les premiers (six sur les huit) ont séjourné à Paris, Berlin, Munich… et côtoyé les œuvres et les acteurs de leurs foisonnants courants artistiques. De retour au pays, ils ambitionnent de développer un art singulier, quelquefois préoccupés par l’identité nationale fortement présente à l’époque (séparation des royaumes de Suède et de Norvège en 1905, indépendance de la Finlande en 1917…).
Un âge d’or s’ouvre, il aboutira à la grande exposition « Contemporary Scandinavian Art » à Buffalo (USA) en 1913. Leurs toiles inspireront leurs collègues canadiens qui la visitent et dont l’environnement (principalement l’Ontario) a des caractéristiques voisines conduisant à la création en 1920 du Groupe des Sept (The Group of Seven).
Constituée majoritairement de conifères, la forêt boréale (aussi connu sous le nom de toundra ou taïga) est parcourue par un vaste réseau lacustre.
Le grand fusain d’Ivan Chichkine (Wind Fallen Trees, 1888) dévoile le chaos de cette forêt primaire, la plus grande de la planète, et s’immisce dans sa mystérieuse profondeur.
Ses collègues privilégient des futaies moins denses et leurs arbres cisaillent la toile d’une cinglante présence suscitant la vibration de l’air pur mais glacial. Les troncs souvent à contre-jour comme les barreaux d’une cage – avec parfois l’inquiétante gesticulation des branches évoquant Caspar David Friedrich – aiguisent l’irruption saisissante ou discrètement mordorée de la lumière anoblissant le territoire en épiphanie. Les habitants sont rares sinon à l’état de trace : une échelle, la lumière à une fenêtre, des pas dans la neige…
Akseli Gallen-Kallela s’attarde sur la profondeur du temps : ces couches de neige accumulées (The Lair of the Lynx (Lokulan), 1908). Par le blanc, il suggère la fusion entre l’air et l’eau – neige ou glace –, la verticalité terre ciel avec des arbres qui sortent du cadre en haut comme en bas. Il métamorphose sa cascade en matière symphonique dont le motif, l’explosion liquide, affronte la luxuriante polyphonie des roches ; le cadre Jugendstil et les quatre cordes dorées attendrissent la rudesse du paysage et le froid que projettent les éclaboussures (Mäntykoski Waterfall, 1892-94). Ses vues aériennes sont plus apaisées et souvent ivres de soleil (Lanscape by Ruovesi, 1898).
Comme la Vue depuis Pyynikki Ridge (1900) d’Helmi Biese dont le geste sait transmettre les fougueuses tourmentes à la pâte picturale quand le blizzard se lève : une violence aussi intense qu’obstinée qui accable branches et roches (Coastal Landscape, 1904).
Les influences sont sensibles.
Le pointillisme donne une densité obsédante aux tempêtes de neige d’Anna Boberg qui étouffent l’horizon en contraste avec l’avant-plan liquide traité en larges lignes horizontales (Mountains. Study from North Norway). Quand l’été met à nu le territoire, elle burine en une composition quasi abstraite la gigantesque broyeuse de roches et de glace où l’homme n’a pas sa place (Glacial Lake). Elle s’autorise aussi le spectaculaire des aurores boréales (deux toiles avec une troisième du Canadien Tom Thomson).
Harald Sohlberg accroche la lumière avec un élément toujours mis à distance : maison, horizon au crépuscule, cimes enneigées… Elle apparaît comme une conquête sur la nuit boréale et quelquefois s’immisce rasante jusqu’à l’avant-plan.
Alors qu’Hilma af Klint dont Sunrise (1907) évoque Turner, en saisit la lointaine et ténébreuse incandescence (Serenity of the Evening, 1907).
Chez Gustaf Fjæstad, le pointillisme sculpte la luminosité des amas de neige, il sacrifie les cimes au détriment des étendues gelées : le peintre comme le promeneur regarde où il met les pieds ! Sans négliger la poésie des rides liquides suscitées par la caresse du vent (Winter Evening by a River, 1907).
Prince Eugen (qui appartient à la famille régnante suédoise) montre un pays plus luxuriant, presque hédoniste. Il en capte cependant la dimension transcendantale avec ses arbres qui sortent du cadre, ses vues d’oiseaux plantant l’ampleur du territoire (Orlängen Lake, Balingsta, 1891).
L’humanité industrieuse, condamnée au ralenti en hiver, brutale en été, hante les toiles d’Edvard Munch : ces saignées de bûcherons avec les arbres abattus rendues par de larges aplats rageux aux couleurs sourdes (The Yellow Log, 1912). Ailleurs ses enfants semblent en admiration touristique… (Children in the Forest, 1901-02)
En Colombie-Britannique, Emily Carr privilégie la perception glacée d’un environnement rude, sombre, peu accueillant (In the Forest, 1935). Elle le malmène de frissons, de distorsions ou amplifie la tension abstraite : le jeu ambigu entre le couvert et le découvert installe un espace en occlusion malgré la vivacité du chromatisme et l’énergie du mouvement (Abstract Tree Forms, 1931-32).
Lawren S. Harris est plus enjoué et délivre la quintessence du paysage mis en spectacle, surrection contre nuées, affrontement terre lumière : les images du « chaosmos* » mis en compréhension par l’articulation des volumes (Lac Superior, 1923). Certains rapprochent son travail du Danois Munch, mais il est plus acéré dans le jeu des ombres et du soleil sur les matières (Beaver Pond, 1921). Dans ses petits formats, il infuse une patte et une chaleur fauviste à ces confins arctiques (Montreal River, 1920 ou Mitchell Lake, 1918-21).
Il partage cette flamboyante netteté avec J. E. H. MacDonald – plus nerveux et plus attentif à l’échelonnement des plans (A Lakeshore, Algoma, 1921) – et Tom Thomson dont la flamboyante ivresse est réprimée par les silhouettes spectrales des arbres (Fire-Swept Hills, 1915).
Les tons sont séduisants, certains proches de la marqueterie (Tom Thomson : Tamaracks, 1915) et, en dépit de leur petite taille (21,5 x 26,5 cm en général), leurs toiles déploient une exubérance non dénuée de mysticisme. Elles sont présentées à fleur du bois dans les colonnes en planches cérusées dressées dans la dernière salle [9] : une scénographie épurant cet univers arctique, métaphore fantomatique des vers de Baudelaire (Correspondances).
La Nature est un temple où de vivants piliers
Laissent parfois sortir de confuses paroles ;
[…]
Vaste comme la nuit et comme la clarté,
Les parfums, les couleurs et les sons se répondent.
* selon le mot d’Asger Jorn (1953)
Boreal Dreams
Quelques peintures le montrent (Munch) et déjà en 1930, Emily Carr se plaint du déboisement radical pratiqué par l’industrie forestière. Mais toutes ces œuvres préservent le souvenir de sites iridescents et envoûtants dont la magnificence est perceptible même quand le froid les sédimente. Peut-être est-ce un des destins du musée : préserver les images (les traces, les artefacts ?) d’une nature épargnée par les activités humaines, celle d’avant les catastrophes…
Boreal Dreams de Jakob Kudsk Steensen commandé par la Fondation pour cette exposition s’empare de cette problématique et tente de visualiser l’impact du réchauffement climatique sur les forêts boréales : une vidéo visible depuis les baies sud sur un grand écran LED (avec le son en libre accès wifi par QRC).
La bonne volonté est indiscutable et les images séduisantes (assez répétitives cependant), mais l’ambition n’est compréhensible qu’à la lecture du livret de visite (gratuit). Et pour prendre pleinement la mesure du projet, il est nécessaire de se plonger dans le catalogue ou d’aller sur le site web…
Installée dans le parc (côté entrée du musée), la projection est librement accessible aux heures d’ouverture de la Fondation.
regard sur le regard
Robert Cahen De la trame au drame
de Jean-Paul Fargier
#LIVRE
chez Médiapop Éditions, janvier 2025, (175 p., 17 €)

Critique depuis 1968 aussi bien aux Cahiers du cinéma ou Art Press qu’au Monde ou à Libération, l’auteur Jean-Paul Fargier, particulièrement attentif au cinéma militant et expérimental, a souvent écrit sur le travail de Robert Cahen.
S’il avait déjà réuni ses chroniques et ses réflexions sur d’autres pionniers de la vidéo notamment Nam June Paik (1989), Bill Viola (2014), il ne l’avait pas fait pour le vidéaste mulhousien et il tenait à compléter son travail d’historien. C’est chose faite avec ce « journal de voyage » allant de 1973 (L’invitation au voyage) à 2023 (Arabia Felix).
L’auteur fait le choix de conserver ses textes tels quels – et quelques coups de griffe égratignent ici ou là –, cependant il a revisionné tous les films et rédigé à chaque fois une introduction qui contextualise la chronique (ou l’interview) et quelquefois la nuance. Cette démarche d’une grande sincérité préserve la fraîcheur et la saveur d’une autre époque : une ère bien plus liée au matériel (hardware) avec souvent la description des drôles de machines (les « joujous ») et aussi le plaisir de la découverte ou l’étonnement devant certaines réalisations.
Le récit de ces (presque) origines est émouvant – on parlait de bandes – et fait vivre ce milieu dont les membres finalement peu nombreux se croisent, collaborent, se perdent de vue puis se retrouvent notamment lors de festivals où d’autres perspectives s’inventent quelquefois. Comme Robert, une partie vient de la musique, entre autres Nam June Paik (1932–2006) considéré comme l’inventeur de l’art vidéo (à Wuppertal en 1963 « au sein du mouvement Fluxus »).
Les œuvres (mais toutes n’y figurent pas) servent un fil conducteur chronologique où par petites touches d’hier ou d’aujourd’hui, il révèle un artiste appartenant à une génération qui savait prendre le temps et pour laquelle l’exigence avait un sens. À plusieurs reprises, il le qualifie de Maître ès ralentis (ils ne sont jamais gratuits, il insiste à chaque fois) qui recourt aux effets pour trouver « la forme fine qui sied à son sujet ». Le parfum de nouveauté est d’autant plus éloquent qu’il remet l’histoire dans l’ordre : ces dernières années, les logiciels (software) ont pris la main et assurent facilement et spectaculairement des effets comparables voire plus complexes qu’à cette époque de défricheurs.
Visiblement il a une tendresse particulière pour les pièces où le cinéaste s’assure au son de la complicité de grands anciens (Bach pour Sanaa) ou contemporains : Messiaen (Dernier Adieu), Boulez (Répons & Le Maître du Temps) ou Michel Chion, son ami depuis le GRM*.
En cinquante ans de carrière, Robert Cahen a beaucoup voyagé avec sa caméra, sur les cinq continents, mais aussi dans les genres, souvent en proximité d’autres artistes (danseurs, musiciens…) et il serait dommage de le réduire à ses ralentis. Certes ils permettent de diffracter le temps, de faire palpiter les « Flux et reflux du monde », mais, tentant de « découvrir du sens derrière du caché », il cultive ce goût pour le regard caméra, qui se métamorphose en beau regard public (normalement proscrit par le cinéma officiel), celui des rencontres furtives avec les « Fantômes d’une existence entr’aperçue. Embryons de fiction restée en devenir. » Il imprime dans nos regards ce « figuratif défiguré », ce temps qui dure longtemps – une aspiration à (re)trouver l’éternité ? –, mais aussi s’effiloche en destin furtif, non résolu (encore une transgression des règles de la fiction dominante) comme finalement la vie… avant sa chute imperceptible dans l’absence.
En cours d’ouvrage, Jean-Paul Fargier s’interroge : Où va la vidéo ? Dans tous les sens. Mais lequel est le bon ? Avec ce livre d’amitié, il montre que Robert Cahen ouvre un chemin : exigeant et attentif au souffle du monde !
Si la lecture du livre donne envie de (re)voir les films de l’artiste, sa parution sera aussi l’occasion de projections débats : le 25.02 à 20h au cinéma Bel Air (Mulhouse), le 26.02 à 18h30 à la Maison de l’Image (Strasbourg)…
et Entrevoir, DVD édité chez RE-VOIR regroupe 14 vidéos de 1973 à 2021.
* Groupe de Recherches Musicales au sein de l’ORTF, puis de l’INA
@Quinzaine de la danse
7e édition du 5 au 21 mars 2025
#DANSE
12 spectacles du 5 au 21.03.2025
ESPACE 110 (Illzach), La Filature, CNC–Ballet de l’Opéra du Rhin, Noumatrouff (Mulhouse), VIADANSE – CCN de Bourgogne Franche-Comté (Belfort), Learning Center UHA (Mulhouse)
À noter un PASS QUINZAINE : Le premier spectacle à plein tarif donne accès aux autres spectacles au tarif partenaires sur présentation du premier billet, dans toutes les structures.

La 7e édition du Festival créé en 2017 par Thomas Ress, directeur de l’ESPACE 110 (Illzach), également portée par Benoît André, directeur de La Filature et Bruno Bouché, directeur du CCN·Ballet de l’OnR, s’inscrit dans une logique de partage et de coaccueil avec les structures partenaires : le Noumatrouff, le Learning Center (UHA) à Mulhouse & VIADANSE à Belfort.
Le programme avec 12 spectacles pour presque une trentaine d’évènements décline toutes les formes chorégraphiques : grands et petits formats, créations et reprises, conférences, cinéma, expositions avec une attention particulière aux ateliers : inviter le public à libérer ses énergies en altérité qui est une des clefs du vivre ensemble.
Une belle arche cimente la manifestation avec en ouverture EXIT ABOVE d’après la tempête (5.03 à 20h) d’Anne Teresa De Keersmaeker, au mitan un hommage à William Forsythe pour ses 75 ans (14.03 à 20h & 16.03 à 15h) avec les reprises de QUINTETT, d’ENEMY IN THE FIGURE et TRIO qui entre au répertoire du Ballet du Rhin, enfin l’époustouflante énergie d’Ohad Naharin en clôture avec l’ambitieux Naharin’s Virus (20.03 à 19h & 21.03 à 20h). Trois figures majeures de la danse contemporaine qui ont défriché des voies innovantes et singulières depuis les années quatre-vingt.
Issus du territoire, Robot, l’amour éternel (11.03 à 20h) de Kaori Ito et Planètes de Jérôme Brabant (15.03 à 20h) seront accueillis par l’Espace 110.
UNBLOCK PROJECT Live Cinematic Dance (19.03 à 21h au Noumatrouff) bénéficie de l’appui des Eurockéennes et STRATES (13.03 à 20h à VIADANSE, Belfort) de celui de la Région Bourgogne-Franche-Comté.
Et si tu danses (5.03 à 10h & 15h), pour les plus jeunes, viendra de Bretagne et Mirlitons (12.03 à 20h & 13.03 à 19h) d’Auvergne-Rhône-Alpes.
Borrowed Light (8.03 à 18h) réunira les danseurs finlandais de la Tero Saarinen Company et les musiciens de The Boston Camerata pour une immersion dans la tradition mystique des Shakers (XVIIIe – XIXe siècles), et puis Leïla Ka, nouvelle figure de la danse française, proposera Maldonne (19.03 à 19h & 20.03 à 20h30).
Enfin l’Espace 110 organisera avec Justine Berthillot une soirée roller, deux sessions incluant son spectacle Desorden (18.03 à 19h & 21h) : une des propositions interactives comme un tiers des évènements du Festival avec notamment des ateliers destinés à toutes les tranches d’âge (certains sont gratuits). Et pour tous les goûts : notamment l’atelier pédagogique Danser autour de William Forsythe (12.03 à 14h30)…
Le plus spectaculaire sera Le Bal chorégraphique de Sylvain Groud (atelier de préparation les 1.03 à 15h & 2.03 à 10h, spectacle restitution le 8.03 à 19h30) selon un concept proche de Music for 18 musicians qu’il avait monté en juin 2023.
Sont également prévues une participation à la Cavalcade du carnaval (6.03 à 18h) et une Soirée Sunset DJ Set avec le collectif Zam Zam pour un final festif de 18h à minuit sur la mezzanine (20.03).
Un subtil équilibre entre têtes d’affiche et contact avec le terrain !
L’offre complète est visible dans la plaquette de la Quinzaine et sur les sites Internet des structures.
N.B. : quand le lieu n’est pas mentionné dans l’article, le spectacle se déroule à La Filature.
être improbable
Polywere de Catherine Monin
#THÉÂTRE
représentation du samedi 18 janvier à l’Espace 110 (Illzach)
en tournée : Salle Europe (Colmar) le 30.01, TAPS (Strasbourg) du 5 au 7.02, Théâtre Le Colombier (Bagnolet) du 26 au 28.03

L’Espace 110 entame l’année 2025 avec une réflexion sur « Nos empreintes terrestres », proposition ô combien nécessaire (et prémonitoire ?).
En début de cycle, le spectacle Polywere met à jour un premier artefact. Suivront deux week-ends d’ateliers ponctués par Des larmes d’eau douces et 1972 (respectivement les 24 et 31 janvier).
Issu de la nuit à laquelle il retournera, Hugues De La Salle incarne un Emmanuel, grand échalas adolescent, fort convaincant. Il nous raconte d’abord ce souvenir d’enfance, ce traumatisme de chasse qui fait basculer son destin. Si au début, le gamin est plutôt enthousiaste par cette complicité sauvage avec les adultes (mâles !), le sang, la mort, l’objet cadavre amènent la prise en conscience de ces êtres qui sont tués, se mangent entre eux et surtout la nature du plus vorace de tous : l’homme. Ce bouleversement suscite une empathie si fascinée et intense avec les victimes qu’il se glisse dans leur peau – de la thérianthropie comme l’explique la psychiatre (Cécile Arthus) à ses parents (Stéphanie Schwartzbrod & Philippe Lardaud). Ceux-ci complètent le fil narratif de cette métamorphose qui contrarie leur envie de normalité, livrant finalement leur fils à la psychiatrie seule habilitée à circonscrire le périmètre de l’irrationnel.
S’évadant de l’hôpital pour échapper autant à l’enfermement matériel qu’à la camisole chimique destinée à l’intégrer, Emmanuel se réfugie en forêt et rencontre ses « congénères ».
Le dispositif scénique, épuré et envoûtant, accompagne cette quête initiatique : un cylindre piédestal (au début) dont la géométrie se fragmente en éléments praticables, des fumées rasantes évoquant l’humus palpitant des sous-bois, des halos suggérant ces saignées de soleil entre les frondaisons, de sveltes fûts en contrejour zébrant le fond…
Le texte de Catherine Monin sait trouver le rythme haletant (toujours bien tenu par le comédien), la matière vocale de cette créature transmuée, mais aussi glisser quelques formules pertinentes et inventer de belles métaphores poétiques.
Sans naïveté, Polywere institue une parenthèse à notre condition aliénée avec l’hédonisme d’un Waldweben (mais sans le triomphalisme wagnérien) grâce à ses mots, ses images et nous permet d’accéder au bruissement de cette autre nuit… une ouverture plus qu’un destin : J’arrive pas à suivre les flèches alors qu’il n’y a pas de sens…
avec Hugues De La Salle, Stéphanie Schwartzbrod, Philippe Lardaud, Cécile Arthus
texte Catherine Monin
mise en scène Cécile Arthus
scénographie Laurence Villerot
lumières Maëlle Payonne
sons Antoine Reibre
production et contact compagnie Oblique
en quête du paradis perdu
Goliath, Germaine et moi
de Gwladys Morinière (2024)
#CINÉMA
documentaire tourné entre 2005 & 2023, sorti en salle en octobre 2024 (France, 90 min)

Après une vie de commerçante prospère et le décès de son mari, Germaine entame une retraite engagée et militante. La réalisatrice la rencontre lors d’une « Caravane pour la Palestine » en 2005 et la filme pour la première fois : elle a 76 ans.
Elle la retrouve quelques années plus tard dans les manifestations contre le Grand Contournement Ouest de Strasbourg et décide de nouer leur amitié en lui consacrant un documentaire. Hasard de l’Histoire, les Gilets Jaunes, une pandémie et le confinement s’invitent comme nouveaux terreaux de luttes. De répression et de doutes aussi…
Des images édéniques ouvrent le film : un faon s’invite au pique-nique de la famille. Germaine le biberonne, ses enfants le caressent. La patine du Super 8 renforce l’aspect bucolique de Kœnigshoffen, ce quartier de Strasbourg verdoyant dans les années-cinquante aujourd’hui bétonné.
Entretemps elle s’est retirée plus loin, à Kolbsheim. Là aussi la forêt voisine doit être rasée au profit du GCO : un serpent de mer vieux de plus de trente ans qui se concrétise en pleine crise climatique. Les opposants regroupés en collectif organisent la résistance et multiplient les recours. Germaine participe aux manifestations sur place, à Strasbourg, aux célébrations festives et cultuelles (enterrement symbolique d’un arbre), aux réunions, aux rassemblements devant le tribunal… et à la dénonciation des services de l’État en délicatesse avec le droit et l’exemplarité.
Le 10 septembre 2018, pour ouvrir la voie aux tronçonneuses et aux bulldozers de Vinci, la police intervient. La nonagénaire est gazée sans ménagement tout comme les élus (les députés José Bové & Martine Wonner, le maire de Kolbsheim Dany Karcher). Des photos en stock-shot montrent l’intervention et en atténuent la brutalité…
Avec le mouvement des Gilets Jaunes, puis l’opposition aux contraintes liées à la pandémie, une agrégation des manifestations s’opère à défaut d’une convergence des luttes.
Germaine est omniprésente, s’incarne en passionaria entourée avec respect et enthousiasme. Son verbe est haut, sa cour est pressante et admirative. Elle est une figure fédératrice, un personnage inspirant plutôt qu’un tribun. Cependant face à la maréchaussée surarmée, elle dénonce « les requins de la finance » comme la « destruction de notre belle nature ». En face les expressions sont gênées : l’âge de l’égérie sans doute, peut-être aussi de sentir qu’ils sont le bras armé d’une société fatiguée et fracturée qui tente de préserver ses lambeaux en imposant un « Absurdistan autoritaire » (Die Zeit, 12.11.2020).
Assise dans son séjour, l’œil malicieux, elle montre et lit les slogans griffonnés sur les enveloppes de ses courriers, commente la politique, le népotisme, le « théâtre » du pouvoir, invoque la profondeur dans le temps des luttes : les petits commerces de sa jeunesse sinistrés par une administration tatillonne et favorable aux supermarchés. Elle accueille aussi des réunions et plaisante sur les risques judiciaires !
En écho, des animations – blanc sur fond noir – rythment le film et la voix de la réalisatrice suggère les enjeux, articule le passage du temps et des luttes. Le personnage métaphorique de Goliath lui permet d’installer une entité qui incarne aussi bien Vinci qu’un système protéiforme qui profite des working poor, des mesures sanitaires et parvient à prolonger ce temps de tous les possibles (à son bénéfice) grâce à la puissance publique.
Le glissement de la septuagénaire rayonnante de vitalité dansant avec les Gazaouies en 2005 vers la vieille dame recroquevillée dans un fauteuil roulant poussé par son amie Malika illustre la marche du destin et esquisse une métaphore.
Le corps comme le militantisme atteignent leurs limites…
Vers la fin, la réalisatrice se filme jardinant dans sa ferme vosgienne acquise depuis peu : sans doute qu’elle aussi pourra recueillir un faon égaré, mais Le cri de détresse d’un seul gouverné ne vient pas à bout du tambour (Ahmadou Kourouma / En attendant le vote des bêtes sauvages, 1998).
images, son Gwladys Morinière, Laurent Marboeuf, Hervé Roesch
montage Gwladys Morinière, Agata Bielecka, Andrea Pica
production & diffusion (avec les dates de projection) L’Humaine prod
contact lhumaineprod@yahoo.com